LES CHRONIQUES DE JEAN MAROIS
30 AVRIL 2021
Le deuil de la vie ou de la carrière…
Et vlan, Stéphane Bélanger, j’ai «scoopé» ta phrase «Le deuil d’une carrière». Le sujet commence peut-être d’une manière ardue, mais faut aussi que ça sorte parfois cette crainte de parler de deuil, de se rendre compte qu’il y aura une fin. Évidemment la fin n’est jamais celle que l’on souhaiterait enfin sûrement pas souvent.
À quel âge doit-on commencer à penser à l’après? Je me souviens de «Liberté 55» c’était l’époque où l’on s’imaginait que la retraite voulait dire aller vivre dans le sud au chaud avec du sable blanc, des cocotiers et des gens qui nous serviraient des tord-boyaux rafraîchissant «ad nauseam». Ou bien l’époque bénie des cours de récréologie à l’université, ou encore une fois on nous promettait «LA SOCIÉTÉ DES LOISIRS», on ne travaillerait que 4 jours ou moins par semaine, la pétanque et le boulingrin deviendraient nos sports nationaux et l’on vivrait riche et vieux au soleil. Chef, vous avez oublié un détail. Qui va travailler les 3 autres jours pour faire fonctionné la société? Bof, «y’a rien là» comme disait Ti-Guy l’ancien mécanicien de Sylvain Périgny, les jeunes vont travailler les 3 jours qui vont rester…
Oui, on l’a eu profond dans notre carrière, la société des loisirs. Mais bon, moi je voulais simplement faire un travail que j’aimais dans lequel je serais heureux… AHHHH, le vilain mot «heureux» dans son travail ça n’existe pas. Enfin, oui, si peu par contre, et moi, je l’ai été. Vous allez dire, il ment… Ben oui je vous mens, certains jours je me disais même que j’étais utile à la société, quelle vanité, quelle arrogance, quel manque de respect pour la société… OK, disons que je n’étais qu’un caillou de l’entrée de «gravel», qu’un maillon d’une vieille chaine presque rouillée, qu’une pierre dans un mur, mais peut-être la pierre angulaire…
Ouais, on est loin du deuil, on y arrive, pour avoir un deuil, il faut, une vie, il faut aimer, il faut vivre, je ne crois pas pouvoir être en deuil d’une roche ou d’une goutte d’eau. Mais le deuil comme les sandwichs aux œufs, c’est différent pour chacun et chacune, la base de la recette est la même, c’est la manière, les ingrédients, la passion qui diffèrent. Bon, comparer le deuil et une sandwich aux œufs, vous me trouvez «weird», ben je suis «weird». Je suis comme je suis, au début, je voulais changer plein de choses, mais qui ne le veut pas. En début de carrière, j’ai appris, j’ai fait des erreurs, de bons coups, des mauvais? Sûrement, mais aujourd’hui à presque 65 ans dans quelques jours, l’âge «officiel» de la retraite, je fais quoi? Je déprime ou je passe à travers… Je vous confie un détail, mon père, mon idole, celui qui est encore à mes côtés, celui qui m’a aidé tant de fois, qui m’as «APPRIS» la vie, oh pas seulement en paroles, mais aussi en actes, en petits conseils détournés, en sourires…
Mais, mon père travaillait pour une compagnie de télécommunication qui existe encore, et mon père dévoué et travaillant (il a une plaque, qui le remercie de n’avoir jamais manqué une journée de travail en 25 ans), lui il voulait finir à 65 ans, c’était la norme à l’époque… Ben oui, à 65 ans on te donne une montre en or, on t’invite à dîner et on te dit «Merci pour ce que tu as fait pour la compagnie», c’était la manière. MAIS, mon père voulait finir à 65 ans, mais les pressions internes de la compagnie ont eu raison de lui et il a quitté à 63 ans, sans montre et déçu de ne pas finir ce qu’il avait commencé. Faut que vous sachiez que mon père était très aimé de ses collègues, j’ai eu l’occasion de parler à certains de ses collègues et dès que je disais que j’étais son fils, leurs yeux s’illuminaient. Faut aussi que vous sachiez qu’à 16 ans j’avais travaillé de nuit pour cette compagnie, et c’est lui qui avait demandé de faire le «chiffre» de nuit pour être avec moi et me montrer le travail…
Alors, moi comme pour faire un pied de nez à la vie, j’avais décidé de travailler jusqu’à 67 ans pour remettre à mon père ces deux années manquées. Je sais, ce n’est pas comme ça que ça fonctionne, mais dans mon âme et dans mon cœur c’était important. Mais, comme la vie est ratoureuse et parfois «ingrate», j’ai terminé à 63 ans comme mon père, non sans peine, avec un sentiment encore présent aujourd’hui d’avoir «perdu» quelque chose, cette fin «honorable», ce sentiment dépassé d’avoir «fait mon travail». Je suis d’une autre époque, d’un autre siècle, mais j’aimais mon travail intensément (parfois trop), je voulais faire la différence. Mais, cette intensité m’a apporté des ennemis, des gens qui n’ont regardé qu’une partie en croyant voir le tout. Ben oui, des mauvaises langues, des racontages, ne nous étirons pas trop, est-ce que je méritais cette fin manquée? Pour certains oui, parfait, je m’incline, maintenant faites mieux…
En passant ce n’est pas moi qui a infecté la chauve-souris, je ne suis jamais allé en Chine, mais je trouve triste et difficile de voir un milieu s’écraser et se désintégrer comme je le vois actuellement. C’est vrai, je suis aussi trop près encore pour avoir un jugement neutre, mais, s’il y a une chose qui est difficile dans le deuil, c’est de tourner la page, chacun à sa manière, la mienne j’ai de la difficulté à la trouver, c’est ma faute, je me suis fait une perception très erronée de la fin de cette carrière. J’espérais que… Alors, que je devrais me concentrer sur ce que j’ai vécu tout au long de ces belles années, vous côtoyer, vos applaudissements, les belles journées de soleil lors des festivals, vos sourires…
Finalement le deuil, c’est se concentrer sur nos plus beaux souvenirs, mes discussions avec Bertrand Falisse, mes sourires avec Jean-Gab, l’amour de mes grands-parents et de ma famille et j’en passe.
Je vous cite mon ami décédé, Yvon Linteau, dans un de ses spectacles de monologues : «Dans la vie il faut bien commencer, si on veut pas mal finir…»
«Yvon, je vais essayer de mettre ta citation en force dans ma vie, oui, ça c’est mal terminé, oui j’en veux encore à la vie, mais il faut que je tourne la page avant que le livre ne se referme définitivement…»
Ça c’était la fin que j’avais écrite voilà quelques jours. Après réflexion je crois que ma page se tourne plus rapidement que je ne le crois moi-même, c’est vrai que je focus parfois sur le mauvais joueur en défensive… Mais, la réalité c’est que j’ai d’autres champs d’intérêt qui se sont pointés insidieusement si j’ose dire. J’ai mes souvenirs et j’essaie d’éliminer les mauvais et de ne garder que les bons, ça doit être ça le deuil finalement. «Il faut oublier pour se souvenir». Je vous souhaite de remplir votre âme de souvenirs heureux vous en aurez besoin vers la fin, attention pas à la fin, «vers» la fin…
23 janvier 2021
"La chance que j’ai eue de croiser Bertrand Falisse…"
Cette fois-ci, Stéphane Bélanger me demande un texte sur… Nous n’avions pas vraiment eu de discussion, j’ai donc décidé de vous parler de la chance que j’ai eue ou de celle que je me suis faite…
Le premier paragraphe, c’était ce que j’avais écrit comme début de texte en décembre dernier… Pas envoyé à Stéphane parce que je ne le sentais pas encore… J’ai proposé l’idée de réécrire le texte et de vous parler de mon ami Bertrand Falisse, oui, oui le Bertrand que beaucoup d’entre vous connaissent bien ou un peu, être taciturne (parfois) et pince-sans-rire (souvent).
Ça se passait quelque part à l’été 2004, il me semble. J’étais alors en charge et propriétaire d’une compagnie de gestion de personnel technique dans la région de Trois-Rivières, Gestion en Coulisse, vous ne connaissez peut-être pas, pas grave, elle n’existe plus de toute façon… Bref, j’ai reçu un CV intéressant avec nom inconnu pour moi, Falisse ! Ça m’a intrigué, un éclairagiste Belge, comme Tintin, qu’est-ce qu’il fout à Trois-Rivières… Une rencontre est prévue pour au moins voir l’individu, on verra ce que ça donne… Arrive donc un gaillard un peu rondelet, chevelu surtout sur la figure et un peu clairsemés presque jusque sur l’occiput. Évidemment, il devait avoir également son « éternel » café glacé de Tim Horton’s (marque déposée, je sais). Ce café fera époque dans ma vie et « surtout » dans celle de Bertrand. Après quelques échanges cordiaux sur la technique, ses « machines » à lui, ses connaissances sur l’éclairage et tous les autres « gna,gna » d’usage. Me voilà à poser une question qui est maintenant sûrement interdite pendant une rencontre d’embauche… Mais, que diable brave homme faites-vous au Québec ? Et voilà le coup de massue en plein visage, le coup de poing assassin… Je suis au Québec par amour d’une gente dame… WOW, peut-être que je ne l’ai jamais avoué au principal intéressé, mais j’étais conquis comme la gente dame, mais rassurez-vous à un autre niveau…
Ici s’impose une mise au point, j’ai été propulsé à la direction d’une compagnie par la force des choses, et j’ai toujours agi « malheureusement » par instinct… Ce n’est pas bien, mais que voulez-vous je suis comme ça « instinctif ». Ceux qui m’ont rencontré pour une demande d’emploi n’avaient que quelques secondes pour me conquérir…
Mais revenons à ce Belge amoureux et « intense », car Bertrand est intense croyiez-moi, par contre c’est le plus minutieux que je connaisse et le plus « Européen » dans son travail, je veux dire par-là doté d’une vitesse relative et différente de celle du Québec, qu’à cela ne tienne les résultats sont « impressionnants ». Les éclairages de Bertrand sont « intérieur », il y a une raison pour la conception de telle ou telle pièces de musique par exemple, pas du « fast-food » lumière comme j’en vois parfois « ou trop souvent, maintenant ». La vitesse du travail de Bertrand a peut-être au début été interprétée à tort pour de la lenteur alors que c’était du perfectionnisme. Malheureusement, notre milieu et perfectionnisme ne rime pas toujours, on pourra en discuter un jour…
Mais, n’allez pas croire que le ciel bleu de la Belgique n’a jamais été sans nuage entre lui et moi. L’intensité de Bertrand est dans tout, nous avons eu des échanges épistolaires qui étaient parfois évidemment « intense ». Il arrivait parfois que Bertrand se « défoule » de sa journée de travail qui ne s’était pas déroulée à son goût sur ou avec moi. C’était très gratifiant de voir sa version de certaines situations. Ne pas être d’accord avec les raisons de « l’autre », quel qu’elles soient est tout à fait naturel, soit dit en passant, et vouloir en débattre fait avancer les choses pourvu que le débat reste un tant soit peu civilisé, ce qui était le cas avec Bertrand. J’adorais ces échanges, j’y voyais un autre côté du travail que je ne voyais pas toujours faute de temps ou faute de la vie… Sa vision était toujours teinté de solutions, ben oui, c’est beau de ne pas aimer ou partager une vision, mais de proposer des solutions c’est super… D’ailleurs vous pouvez toujours vous renseigner sur la signification de « solution »…
Nous avons même eu notre période de séparation, et oui, notre vision commune s’est dissipée dans le déluge du travail et de la course à l’armement nucléaire (ceci est une métaphore évidemment). Mais avec la diplomatie et l’acceptation de l’autre, je présume, nous vécûmes des jours heureux, mais nous n’avons pas eu beaucoup d’enfants. Puis, un jour d’une fin d’été particulièrement difficile pour moi et assurément pour lui… Il m’a avoué tout simplement qu’il était atteint de 3 cancers, l’endroit du poison restera entre lui et moi, certains le savent peut-être, mais c’est inutile d’en savoir plus.
Depuis ce jour, je m’inquiète, demande des nouvelles fréquemment, je deviens peut-être presque harcelant. Je ne comprends pas évidemment, qui comprend, les éternelles questions (ben oui, je me questionne toujours sur tout). Pourquoi ? Jusqu’à quand ? As-tu mal ?
Je lui ai demandé de continuer à travailler un peu avec moi, sur mes derniers projets symphoniques… Il a dit oui, il ne refuse jamais rien, c’est d’ailleurs probablement pour ça que les cancers se sont ancrés en lui. Il est tellement ouvert au travail, à la discussion, à la recherche de connaissances nouvelles que les cancers ont trouvés un terreau fertile faut croire… Je m’égare… De l’avoir avec moi me sécurise, je peux voir l’amélioration ou la détérioration de sa santé, par texto ou au téléphone on peut mentir…
Plus le temps passe et moins il en reste, c’est comme ça pour nous tous, mais pour Bertrand, le moins est de moins en moins loin… Comment dire à un ami qu’on l’aime, comment dire à un collègue, un ancien employé, mais toujours un ami que l’on a peur pour lui, faut que je sois fort, que je l’inspire, faut que je lui donne la force d’accepter…
Bertrand aime la neige, il « trippe » beaucoup lorsqu’il neige, alors, pour le reste de ma vie la neige me rappellera Bertrand, ça y est tu as réussi Bertrand… Tu seras avec moi éternellement, croyais-tu vraiment qu’il en serait autrement ? Tes cannettes de Coke, même au Festivoix commandité par Pepsi me manqueront, de même que ce regard complice dans l’adversité, je crois que nous avons eu une belle relation d’amitié.
Au début du texte, je vous ai dit que Bertrand était venu au Québec par amour d’une gente dame, et bien maintenant c’est nous tous ses amis et connaissances qui sont en amour avec ce GRAND ÊTRE HUMAIN…
Je t’aimerai toujours Bertrand, tu m’inspires, je redoute ton départ, mais je l’accepterai…
Merci pour le chemin parcouru ensemble Bertrand…
Jean
xx
PS Ce texte fut conçu en écoutant l’album de Sting, « Songs from the labyrinth »
20 octobre 2020
"Entre le mythe et la réalité…"
Cette fois-ci, Stéphane Bélanger me demande un texte sur les metteurs en scène… Comme Stéphane est lui-même un metteur en scène, je me sens un peu entre l’arbre et l’écorce, ou encore pris dans un no-win contest… Si je ne le nomme pas dans mon top-5, il m’en voudra peut-être ! Ben non, Stéphane n’est pas comme ça (enfin je l’espère)… Trêve de plaisanterie, Stéphane s’en fout, comme il se fout de plein de choses dans la vie… Mais bon, commençons…
Parler de metteur en scène, c’est entrer dans la vie de gens qui s’offrent parfois en pâture pour vous égayer, vous faire sourire ou vous faire prendre conscience de quelques inégalités de la vie…
Je ne peux faire un top-5, ce serait injuste surtout que chaque metteur en scène a son angle de vue, sa vision et surtout son intensité à mettre dans le spectacle… Quelques noms de ceux avec qui j’ai travaillé, pas dans l’ordre, mais au hasard, parce que je les ai tous aimés : Gilles Devault, Yvon Linteau, Rollande Lambert, Daniele Finzi Pasca, Jacques Crête, Robert Lepage, Nicole Poisson-Trudel, Stéphane Bélanger, Michel Forgues, Lucie Trudeau, Reynald Robinson.
Je ne peux vous parler du côté comédien (je n’en suis pas un), mais je vais vous faire une confidence… Nicole Poisson-Trudel a pris l’immense «challenge» de me faire jouer un petit rôle dans une production des Nouveaux Compagnons en 1984 (Ma petite ville), j’y interprétais le rôle d’un professeur, et chaque fois que je montais sur scène, j’étais terrifié. C’est de là que viens mon grand respect pour ceux et celles qui ont l’audace de monter sur une scène (je n’ai pas dit couilles, ce n’est pas poli)… Nicole Trudel m’a beaucoup aidé à mes débuts à comprendre ce qu’est une troupe. C’était une metteuse en scène, mère poule, toujours à chouchouter ses ouailles.
Chacun ayant son style, il y a des metteurs en scène très contrôlants, je me souviens (je vais taire le nom, même s’il est décédé) d’un metteur en scène qui voulait tout contrôler, à chaque répétition il lisait les indications scéniques, didascalies (tiens, je viens d’apprendre le mot), toutes les notes de l’auteur et ce même après plusieurs répétitions. Rendu en salle alors que le décor qui avait coûté très cher pour l’époque : fleurs en papiers de soie (on ne pourrait le faire maintenant), maison de deux étages sur scène, vous voyiez le genre. Bref, après avoir vu le décor une première fois, il me confiait que ce n’était pas assez et qu’il songeait à présenter la pièce avec seulement les pendrillons. Ceux qui me connaissent savent que je ne l’ai pas pris, j’ai toujours défendu mes équipes et cette production était franchement hallucinante. Après discussion avec le président de la troupe, ce dernier fit changer d’avis au professeur d’esthétique théâtrale de « Mouriale ». Faut croire que l’enseigner et le faire ce n’est pas la même chose…
De l’autre côté du spectre, la période Jacques Crête (je suis en train de lire le livre qui traite de sa carrière et de sa vie et honnêtement, je dois avouer que je suis ébloui par la lecture, quelle carrière!) est plus décontracté pour le directeur technique que j’étais. Pour Jacques, c’était dans sa tête, mais après nous avoir donné certaines balises, il ne demandait que de lui offrir de la matière et qu’il ferait avec… Nos premiers échanges furent un peu houleux, mais une fois la bête domptée autant lui que moi, je dois avouer que j’ai adoré travailler avec autant de latitude et de respect l’un envers l’autre... Car nous venons de toucher le point important… Le RESPECT… Ben oui, comme dans la vraie vie (pas celle des américains, la vraie vie), le respect entre le metteur en scène et le directeur technique est essentiel. Il y a ce que l’on a pensé, ce qu’on voudrait faire, ce qu’on peut faire et ce qu’on va faire. Si vous saviez les contraintes qu’il faut régler avant de présenter le spectacle… Fiou, je peux bien avoir des cheveux blancs.
Le regretté Yvon Linteau, après avoir ingurgité quelques petites O’Keefe froides ou tièdes c’est selon et souvent même avant les O’Keefe, on partait sur un délire qui faisait du bien, et contrairement à la croyance populaire, oui, il en restait quelque chose le lendemain. Yvon un spécialiste de Woody Allen et des pièces un peu «fuckées», nous permettait pleins de choses qui auraient été difficiles dans une production plus conventionnelle. Et moi qui ai été aux premières loges de ses textes à lui, écrits par lui, laissez-moi vous dire que c’était un génie. Je m’ennuie de sa folie parfois, comme maintenant, j’aurais besoin de son côté «pas comme les autres».
Tant qu’à être avec le Théâtre de Face (dont l’importance dans ma vie est gigantesque), il y a Gilles Devault, poète, ami, l’être avec le cœur si gros que la terre entière ne prendrait pas toute la place, d’une sensibilité extraordinaire et doté d’un rire si caractéristique qu’il ne partira jamais de mes souvenirs. Par contre… Désolé Gilles, mais il arrivait quelques fois (je reste poli) à Gilles de changer des trucs ou de couper du texte ou d’en rajouter à la dernière minute. Mais qui suis-je pour m’élever ainsi contre un créateur de cette trempe… Ça faisait partie de l’homme, sans rancunes Gilles…
Daniele Finzi Pasca, avec le Cirque Éloïse à Thompson, notamment « Rain ». Un autre être doté d’une sensibilité hors du commun. La sensibilité est un trait caractéristique de certains grands. La poésie qu’il réussissait à mettre en scène était magique, il était très respectueux du groupe, tiens encore le respect. Peut-être me traiterez-vous de «fan fini» des metteurs en scène, mais je crois que ces êtres sont d’une race à part, pas supérieure, à part…
Robert Lepage, ben oui, une toute petite tournée en 1993 avec le Cycle Skakespeare, travailler pour mon idole… Sur une production déjà en cours, pas une création où j’ai participé, mais quand même, moi le ti-cul de Trois-Rivières, qui a toujours admiré son travail, j’ai adoré même si la tournée c’est une vie en soi. L’homme a été et est encore à la hauteur de mes attentes, il sait où il s’en va, mais il a également une confiance aveugle en son équipe, qui le lui rends bien en donnant vie à ses idées de génie. La plus belle preuve le spectacle-projection sur les silos du port à Québec pour le 400e!
Quelques mots sur Michel Forgues, depuis longtemps un ami, qui avec son franc-parler et son intensité me ressemblait un peu, du moins dans mes jeunes années…
J’aimerais faire encore partie d’une production, cette espèce de folie, de croire que l’on pourra changer des choses, d’échanger avec des individus qui veulent avancer tout en étant conscient de la fragilité des propos qu’ils vont faire passer à travers leur production. J’ai été chanceux de pouvoir travailler avec des êtres qui m’ont respecté et m’ont permis de devenir ce que je suis devenu en bon et en moins bon sûrement… Je dois à mes amis metteurs en scène, cette amitié qui ne s’éteindra jamais, ces souvenirs d’un plaisir devenu comme une drogue ou l’on reste accros, le plaisir d’avoir un vague sentiment d’avoir changé des choses. Oh, pas beaucoup, juste le début d’une réflexion… Oui, j’ai été chanceux dans ma vie, tiens peut-être le prochain sujet… La chance que j’ai eue…
Cette chronique est dédié à ma famille élargie, ceux qui sont partis et ceux qui grandissent autour de moi, ceux qui me font remplir le rôle maintenant de ceux dont j’adorais la présence autrefois, espérant qu’ils se souviendront de moi lorsque le temps sera venu de…
Jean Marois
10 août 2020
"Entre la lumière et l’ombre"
Oh, Stéphane Bélanger mon nouveau boss (il est très fier de ce titre), m’a écrit : Pis ton texte, c’est pour bientôt ? Je me suis senti comme un journaliste endormi pendant un match du Canadien… EUH, oui, oui boss ça s’en vient… Ça s’en venait pas du tout, mais bon maintenant un mensonge avoué est à moitié pardonné… DONC…
Entre la lumière et l’ombre, c’est l’inverse du méga succès de Marie Carmen, vous connaissez Marie Carmen? Non! Tas d’incultes allez sur YouTube. Bref, anecdote lors de son passage à Thompson (Vous savez la salle?) Marie Carmen qui avait gagné un Félix (le prix pas le chanteur) passait dans la salle pour que les gens «touchent» le trophée… FIOU, aujourd’hui le DOC Arruda en ferait des boutons.
Les techniciens, cette race cachée dans l’ombre (ou presque), vous comprenez le titre maintenant. À l’époque être technicien ne voulait rien dire, aujourd’hui j’espère qu’on ne retournera pas à cette époque, nous étions un groupe que personne ne connaissait, pour certains nous étions même de Montréal. En effet, lors de la grande rénovation de Thompson (vous savez la salle, OK) en 1987 je crois, la direction avait fait une journée porte ouverte et nous les techniciens étions visibles et nous expliquions les méandres de la salle ainsi que les divers postes techniques. Eh bien, ce qui m’avait le plus marqué (en plus de la mauvaise odeur corporelle de certains) c’était que la majorité pensait que nous venions de Montréal (vous connaissez la ville qui croit être le centre du Québec). On partait de loin (non, pas de Montréal), ce travail n’était pas reconnu et c’est à force d’efforts et d’abnégation que nous sommes parvenus à être reconnus (pas sur la rue quand même), mais au moins par le milieu.
Des écoles sont apparues, des cours, des formations, ce fut l’apocalypse de la technique, les équipements se sont modernisés à la vitesse grand V. Et en même temps pleins de jeunes boutonneux(euses), on ressenti l’appel de la technique. Bravo, tout est en effervescence et nous allons dominer le monde (le monde technique), les spectacles sont devenus de plus en plus «technique» pour ne pas dire parfois complexes (pensons à Robert Lepage). Nous nous sommes même affublés du nom d’ingénieur. Ce qui n’a absolument pas plu aux ingénieurs qui reçoivent une bague et un diplôme…
Essentiellement, un technicien(enne) est une personne qui aide, supporte, rassure et bonifie les attentes et désirs d’un artiste ou metteur en scène (si vous êtes gentils on parlera de metteur en scène dans une autre chronique, j’en ai connu des bons et…). Le rôle du technicien est un rôle de soutien, soutien essentiel pour le bon déroulement du spectacle, concert, événement, etc. Une bonne synergie est essentielle entre toute l’équipe du spectacle. J’ai déjà connu des événements malheureux et lorsque la «chimie» n’y est pas, la journée et la soirée seront longues.
Premier arrivé et souvent dernier parti le technicien(enne) est parfois fatigué ou simplement «à boutte». C’est malheureusement l’image que plusieurs ont retenue de ce métier, mais finir de travailler à 23h45 et revenir pour 08h00 le lendemain matin, ça use. Sans compter les techniciens(ennes) de tournée qui voyagent de longues heures. Je ne me plaindrai pas de cette vie que j’ai vécue, mais parfois c’était difficile, mais qui peut dire que son métier est toujours facile…
Un des dangers de ce métier est parfois de s’imaginer être indispensable, de s’enfermer dans une bulle (c’est à la mode) et de croire qu’après nous le déluge. Ça restera toujours un travail d’équipe, oui certains sont plus «visibles», mais qui connaissait le poste de garde au football américain avant l’arrivée de Laurent Duverney-Tardif ? Et qui connaît vraiment le rôle qu’avait Marty McSorley à Edmonton ? Le rôle du technicien est «essentiel» encore ce mot «essentiel», mais faut toujours se dire «qui en aura un plus jeune plus fou, pour faire danser les Boogalous» merci Robert Charlebois.
Ce n’est pas toul’monde qui peut faire fi de son ego, pour permettre à quelqu’un d’autre de se faire valoir et de se mettre en vedette. Et ces mêmes «vedettes» sont parfois arrogantes, mais dites-vous une bonne chose. Des arrogants, il ne me reste plus grand-chose, même pas leur nom. Mais de ceux qui ont compris notre métier, il me reste de merveilleux souvenirs, des sourires et des moments qui me permettront de continuer à vieillir (même si je suis déjà vieux) en comprenant que j’ai eu une belle vie…
Qui peut se targuer d’avoir reçu un courriel de la femme de Salvatore Adamo pour saluer la belle journée passée à Trois-Rivières, ce n’est pas grand-chose pour la majorité, mais pour moi, c’était un très beau cadeau, un cadeau qui me permettait de me lever le lendemain pour aller passer une autre belle journée à Thompson (vous connaissez Thompson ?) Peut-être, ben moi j’ai eu l’immense plaisir de l’aimer et de croire qu’elle était vivante…
Cette chronique est dédiée à tous ceux que j’ai négligés au cours de ma carrière…
Jean Marois
1er juillet 2020
" Et s’il n’y avait pas eu la pandémie de COVID-19 "
Oh, Stéphane Bélanger qui me demande un texte sur l’après COVID, quoi faire… Je prends le choix artistique et pandémique de voir aussi l’autre côté, s’il n’y en avait pas eu de pandémie…
5,000 personnes seraient encore vivantes seulement au Québec, c’est vrai certaines seraient mortes d’une autre cause, mais pour les familles la situation aurait été bien différente, vous le savez la mort c’est pour ceux qui restent… Par contre, cette situation nous a permis de mettre à jour un TRÈS TRÈS gros problème dans les CHSLD que nous connaissions, mais que personne ne voulait vraiment voir faut croire.
Un de nos voisins va s’autoproclamer président à vie si ça continue et va pousser son pays dans une guerre civile à force de dire n’importe quoi. Il le ferait peut-être plus subtilement (subtilement lui… Je m’égare)
Georges Floyd serait peut-être encore vivant ou il serait mort dans l’anonymat, si les gens avaient travaillé ce jour-là au lieu de passer par hasard.
Le taux de chômage serait drôlement plus bas et les gouvernements beaucoup moins endettés.
Il y aurait pleins de spectacles d’humoristes dans les salles, les écoles feraient leurs spectacles de fin d’année, tous se prépareraient pour les divers Festivals extérieurs, les salles peaufineraient leurs derniers détails de leur programmation d’été.
Au final, tout serait NORMAL… C’est bien ça NORMAL, en fait l’autre normal, le normal d’avant, notre normal.
La question se pose donc, qu’adviendra-t-il du milieu de la culture, le milieu, mais aussi les côtés et le dessous. Tout ce monde «underground» qui gravite autour d’un spectacle «vivant», je ne suis pas à l’aise avec «vivant» je ne sais pas pourquoi, je suis un «hasbeen» ça doit être ça «passé date» comme on dit du pain tranché trop sec, ou du lait avec des caillots, yeark, il est «passé date».
La solution la voici : C’EST VOUS TOUS ! Quoi nous, pourquoi me direz-vous ! Parce que c’est vous les «arts vivants» et vlan vous ne l’avez pas vu venir celle-là… Vous vous attendiez à : «Il va encore nous les casser avec son bon vieux temps, le vieux schnokkk». Ben non comme un virus venu de l’autre bout du monde la culture se doit d’être insidieuse, dérangeante, mortel parfois, mais pour l’âme seulement… Elle nous fait réagir ou s’abstenir c’est selon… Je me rappelle d’une maxime qui disait à peu près ceci, «Le graffiti provoque chez le passant scandale ou réflexion».
Ben oui, il faut des structures, des administrateurs, des comptables, des producteurs, des diffuseurs, des… J’en passe, mais au bout du compte ils ne sont là que pour deux raisons fondamentales, les spectateurs qui veulent voir ou écouter l’œuvre et pour l’ARTISTE qui a eu les couilles de créer l’œuvre en question. Je le disais aux jeunes techniciens(ennes) lorsque le public applaudit, il y en a une part pour vous…
Le «vous tous» de tout-à-l’heure, c’est le travail d’équipe, la confrérie, la collégialité. Je crois bien humblement et d’une façon très naïve, je le sais que la force des artistes, des créateurs et des techniciens(ennes) est dans le regroupement tout en gardant l’identité propre à chacun(une).
Maintenant vous pouvez le penser, le vieux schnokkk il est parti dans ses pensées oniriques, mais je les ai toujours eu ces pensées-là, c’est que je ne jamais réussi à les faire comprendre à mes collègues probablement parce que je n’étais pas sur le bon raisonnement…
Stéphane la voulait peut-être plus drôle la chronique, elle est plus synonyme de ma vision actuelle des choses, moi aussi, il faudra que je vois plus de soleil et moins de COVID…
Cette chronique est dédiée à tous ceux qui ont perdu un être cher pendant la pandémie…
Jean Marois