RETOURNER À LA TABLE À DESSIN...
En ce début du mois de juin, c’est le troisième anniversaire du Théâtre du Mauvais Garçon. Trois années remplies de théâtre et de rencontres de toutes sortes. Trois années remplies d’expérimentation, de recherches et de questionnements. Trois années où le doute a été omniprésent dans toute cette entreprise qu’était le Théâtre du Mauvais Garçon. Depuis janvier, j’ai pris une certaine pause en ce qui concerne les activités de la compagnie. Plusieurs objectifs que j’avais il y a trois ans à la création de la compagnie n’ont pas tenu la route. Malgré les bonnes intentions du départ, force est d’admettre que le désir de devenir une plaque tournante de l’information théâtrale de la région était ma foi fort ambitieux, peut-être même aussi un peu naïf de ma part. J’avais pourtant en souvenir ces fameuses soirées au Zénob (un bar de la rue Bonaventure à Trois-Rivières) où entre 2 bières, après une répétition ou une représentation, on parlait théâtre en refaisant le monde une pièce à la fois. J’avais souvenir de ces discussions parfois animées avec un poing sur la table quelques fois, mais toujours avec le même désir et la même hâte de se croiser sur un prochain projet…
Les trois années de vie du Théâtre du Mauvais Garçon ont été aussi pour moi une source de recherche, d’apprentissage et d’exploration qui sont allés bien au-delà de mes attentes. Bien au-delà du simple fait de monter sur scène, j’ai découvert tout un monde d’inspiration et d’influence sans lesquelles, selon moi, le geste théâtral devient bien vide. Comme artiste, pour la première fois de ma vie, j’avais la chance de penser et faire du théâtre tous les jours…
Après 2 à 3 mois sans publications je suis retourné sur le site dernièrement et à ma plus grande surprise, je l’ai redécouvert et je me suis surpris à le trouver intéressant. L’évolution depuis le jour 1 me laisse croire que le meilleur est encore à venir. Après trois années, j’ai toujours les mêmes certitudes qui étaient à l’origine du projet…
- On parle beaucoup trop des compagnies et des institutions et pas assez des créateurs et des interprètes. - Le coût des salles rend la pratique professionnelle pratiquement impossible. Les créateurs doivent donc trouver des moyens et des lieux alternatifs pour se produire. - Il n’y a aucun effort (ou si peu) des autorités concernées pour reconnaître et faire connaître le produit théâtral régional. - Il y a un manque au niveau des lieux de diffusions afin de présenter des versions 1 de projet (rodage) - Le public pour le théâtre amateur n’est pas le même que pour le théâtre professionnel. Sachant cela, les troupes devraient mettre des efforts afin d’attirer celui-ci par différents moyens et s’unir pour y parvenir. - Le web reste une belle porte d’accès pour le théâtre afin d’attirer un nouveau public même si le public du théâtre n’est pas très web. - Dans les circonstances, le travail des médias est plus que convenable. Avec autant de limites au travail des créateurs professionnels, ils ne peuvent pas couvrir des événements qui n’existent pas. - Autant chez les amateurs que chez les professionnels, le théâtre est devenu un produit de consommation, ce qui incite les créateurs à rester dans des présentations assez convenues pour ne pas effrayer le public présent dans la salle. Ce qui, selon moi, limite l’intérêt d’un public potentiel. - Le processus créatif est un aspect du théâtre qui mérite d’être placé en lumière. - Le public et les institutions ne sont pas prêts à payer le juste prix pour le produit local.
J’ai encore aujourd’hui la certitude que ce qui s’est fait avec le Théâtre du Mauvais Garçon est nécessaire. C’est nécessaire non pas pour révolutionner le théâtre; c’est nécessaire pour moi comme créateur qui continue de chercher de nouvelles réponses dans une pratique où les certitudes se font rares. Est-ce que ce qui a été fait depuis trois ans aurait pu être mieux fait? Sûrement. Est-ce que ce qui a été fait aurait été plus efficace si tout ça avait mieux organisé, plus discipliné? Oui, sans aucun doute… Mais alors je me serais éloigné de l’idée de départ; présenter le processus. Je me suis obstiné à tenter de présenter, afin de plaire à tous, un produit qui serait convenable, qui ferait l’unanimité. Je voulais faire la plus belle présentation possible d’une chose qui par sa nature ne l’est pas. Tout ça pour quoi? Pour plaire au public. Lors de l’élaboration du site, j’ai visionné beaucoup de chaînes tenues par des créateurs qui tiraient un salaire intéressant de leur activité web. J’avais l’espoir d’emprunter le même chemin. C’est alors que je me suis éloigné tranquillement de mes objectifs de départ… Le site qui était au commencement une source d’inspiration artistique était tout à coup une source de frustration. Je voulais rallier un public qui se faisait attendre, des élèves, des donateurs, des abonnés et tous ceux qui auraient pu de près ou de loin contribuer à la réussite des activités du site et de la compagnie.
J’ai donc décidé pour ce troisième anniversaire de recentrer tout ça sur moi. (oui ce l’était déjà pas mal), mais là, j’enlève toute source de frustration et de distraction possible. Je continue dans l’essentiel des activités, mais sans but précis autre que de présenter mon travail de création et de recherche. Ce sera flou, pêle-mêle et sans calendrier précis, mais ça sera représentatif. Une connaissance dans ce qui se voulait être une critique négative me disait que le site ressemblait à un marché aux puces. Ma réflexion suite à cette critique a été « Et pourquoi pas? » C’est un lieu que j’aime. On peut s’y aventurer pendant des heures sans rien trouver et tout à coup sortit de nulle part apparaît, sur le coin d’une table, l’objet qui nous fait pousser un wow! C’est la découverte qui nous fait oublier les longues minutes où on ne trouvait rien. C’est peut-être ça au fond que le site est… Un marché aux puces du théâtre. C’est certain qu’on est bien loin des lancements et des soirs de première avec le champagne et les petites bouchées à déguster. Ce sera peut-être plus une poutine avec une canette de coke assis au coin d’une table à la cantine de l’entrée. Ce sera juste ça. Ce sera là et ce sera ouvert à tous et pas seulement les fins de semaine entre 9h et 4h… (allusion aux marchés aux puces )
Merci…
Le Mauvais Garçon qui va peut-être un jour s’assumer en tant que tel…
Stéphane Bélanger
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